Crédit : Locaux de la Mission Locale de Pontivy, Banque d'images de la MLCB
De l'aveu même de la mission locale, de nombreux jeunes "passent sous le radar". Et pourtant, Mickaël, Maëlle, Enzo ont pu le constater : "lorsqu'on pousse la porte, ça marche". Encore faut-il toucher ces jeunes à la recherche d'un emploi, dans l'angle mort de la société. La suite de notre immersion aux côtés des "invisibles", à Pontivy, dans le centre-Bretagne (2/3).
Dans le petit bureau de la mission locale Centre bretagne, ils sont trois. Domitile André, conseillère technique de la mission locale et Manuella Radigue, coache professionnelle. Et au centre de toutes les attentions, Mickaël Gemar qui aura 20 ans en juin.
Après avoir obtenu son baccalauréat, puis arrêté en cours de route sa première année en informatique à l’IUT de Lannion, Mickaël a commencé une formation à distance de webdesigner.
Une solution qui s’avère lourde à gérer surtout en plein Covid. « Je passais mes journées face à un écran d’ordinateur sans aucune relation personnelle avec les professeurs. Ça m’a détruit ».
Alors il abandonne et au passage, perd un peu plus confiance en lui. Pendant plusieurs mois, il revient habiter chez sa mère sans suivre un cursus, sans formation, et sans emploi. « Je me considère comme invisible, car je ne suis qu’un étudiant avec un bac » soupire-t-il. Un jeune homme perdu. « Je cherchais pour me remettre dedans. Et on m’a conseillé la mission locale comme sortie de secours. »
Opération « Starter » pour les jeunes invisibles
La mission locale où, finalement, Mickaël participe à un tout nouveau programme justement sur ces jeunes invisibles.
Pendant trois jours, avec sept autres jeunes comme lui, Mikaël a travaillé en petit groupe. Avec la coache et la conseillère technique, le but est de redonner confiance.
Des ateliers sont menés pour amener chacun d’entre eux à mieux comprendre leur propre personnalité, à trouver leurs axes de motivation, leurs points forts. L’objectif de ce dispositif intitulé « Starter » est clair : pour chacun de ces jeunes, un plan d’action avec des objectifs est mis en place, et la mission locale accompagne ce nouveau projet. Que ce soit pour reprendre des études ou une formation ou bien encore pour partir à la recherche d’un emploi bien identifié.
Domitille André, salariée de la mission locale depuis 32 ans, est enthousiaste « C’est vraiment bien de voir ces jeunes trouver leur voie grâce à ce dispositif, c’est un beau cadeau pour moi ».
Pendant ces trois jours, la logistique, les repas, les transports, le coaching, sont pris en charge par la mission locale. Pour Manuella Radigue, l’objectif de ce programme « Starter » dédié à ces jeunes, complètement éloignés de la société, est multiple. « Il faut parvenir à les sortir de l’isolement, à reprendre confiance en eux, et à créer du lien avec d’autres car quand on est seul, on est aussi dans le flou » explique-t-elle.
Pour cette première année d’opération « Starter », au moins 70 jeunes devraient être accompagnés par les quatre missions locales de la zone.
Détecter les jeunes sous les radars
Pour Laurence Lanoë, la directrice de la mission locale Centre Bretagne, reste l’isolement de beaucoup d’autres jeunes perdus dans la nature et « qui passent complètement sous les radars. »
Difficile de savoir combien ils sont, et où… Des jeunes qui souvent cumulent des freins. « Ils n’ont pas le permis de conduire alors que la voiture est indispensable dans notre territoire. Ils ont des problèmes d’argent mais aussi parfois des problèmes de santé physique ou psychologique qui sont laissés de côté. »
Parmi les partenaires de la Mission locale, Yann Lanchec. Il est le président de l’association patronale Actiss. Le groupement fédère 163 entreprises de la zone entre Pontivy et Loudéac. En s’associant aux programmes de la Mission locale, l’objectif est clair : « Ces jeunes invisibles, nous on ne demande qu’à les rendre visible. On tient à les aider à se mettre en posture de recherche professionnelle et à les accompagner. »
« Pour moi, ce n’est plus le problème du savoir-faire qui est crucial, car il y a la formation » soutient Yann Lanchec, « c’est d’abord une question de motivation et de savoir-être. Alors il faut leur donner confiance. »
« Le monde de l’entreprise, ce n’est pas un monde à part… Nous ne sommes pas des entreprises du CAC 40. Il ne faut pas que ces jeunes invisibles aient peur de nous. Il faut qu’ils changent de croyance » conclut-il.
Mais avant de les convaincre, encore faut-il entrer en contact avec eux. Pour tenter de les repérer, les salariés des missions locales de la zone se relaient dans le cadre cette fois, du projet « aller vers… « .
Laurence Lanoë, la directrice de la mission locale Centre Bretagne, fait un constat : « c’est nous qui devons, nous délocaliser pour trouver ces jeunes qu’on ne voit pas du tout, qu’on n’arrive plus à joindre. On les a perdus car ils n’ont pas réussi à trouver leur place et se sont isolés. »
L’appui des veilleurs dans les campagnes
Une fois par semaine, les bus sept places de la Mission locale sillonnent les villages, délivrent leurs flyers pour faire connaitre ce dispositif en faveur des jeunes invisibles.
Une campagne sur les réseaux sociaux est également prévue. Sans compter le bouche à oreille. Il y a aussi l’appui des veilleurs dans les campagnes.
Il peut s’agir d’élus, de membres d’associations qui réussissent à les détecter, les identifier et parfois à les convaincre de sortir de leur solitude.
Laurence Lanoë fait le pari que « cela va marcher grâce à cette petite musique permanente qui résonne en disant que la mission locale est présente à proximité, peut les accompagner dans les démarches. »
A l’issue des trois jours d’opération Starter, Mickaël va reprendre une formation de webdesigner proposée par le Greta. Et cela se fera en présentiel.
Lors du dernier repas autour d’une pizza, Mickaël et les sept autres jeunes participants à l’opération Starter échangent sur la suite et leurs différents projets.
L’un va commencer des études de droits, d’autres chercher du travail dans la vente ou encore commencer une formation diplômante.
Mais certains d’entre eux restent amers face à leurs propres difficultés.
Pour Enzo Baladier, tout juste 20 ans, « tant qu’on n’a pas poussé la première porte comme celle de la mission locale, eh bien il n’y a rien. C’est une fois qu’on pousse la porte que cela change. Mais on ne le savait pas. »
Il ajoute : « pour les gens plus âgés, c’est comme si on n’existait pas. On nous demande jamais notre avis. Ou alors il y a des paroles mais rien de concret. »
Maëlle Philippe, 22 ans, insiste. « Mon quotidien ne fait pas briller les yeux. Est-ce que cela va s’arranger ? Et quand ? »
La jeune femme timide s’insurge : « la société ne s’occupe pas de moi, ne parle pas aux jeunes pour les aider. Pourquoi, par exemple, au collège et au lycée personne ne nous sensibilise à l’importance de tout ce qui est administratif, des papiers, des choses de la vie… «
Les clés du quotidien
Vincent Guillemin, lui, a décidé de renvoyer l’ascenseur. En septembre prochain, il prendra le chemin des bancs de la fac de droit. Et il a répondu favorablement à la demande de la mission locale pour l’aider à communiquer sur le dispositif Starter.
Il avance même une proposition. « Comme pour l’information obligatoire au collège et au lycée sur les dangers du tabac, il devrait y avoir des sensibilisations sur les risques liés à l’isolement, au repli sur soi et donner simplement aux jeunes des clés du quotidien « pour éviter que des jeunes entrent » dans le monde des invisibles.
No comment yet, add your voice below!